A Lausanne, six enfants des rues font aussi leur rentrée scolaire

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Paru dans “Le Courrier” (30 août 2014)

A Lausanne, six enfants des rues font aussi leur rentrée scolaire

SAMEDI 30 AOûT 2014
Sophie Dupont

INTEGRATION • Le chef-lieu concrétise la scolarisation d’enfants de mendiants roms, après un essai concluant. Le soutien associatif est décisif.

Six enfants de familles mendiantes roms ont rejoint les bancs des écoles lausannoises, lors de cette rentrée scolaire. «Une petite victoire, même si elle est encore fragile», se réjouissent les associations mobilisées. En février dernier, Sant’Egidio, Opre Rrom et le Point d’appui avaient soutenu les demandes de scolarisation de familles qui cherchaient à s’installer à Lausanne pour cinq enfants entre 4 et 15 ans (notre édition du 13 février 2014). Les associations ont convaincu les autorités, mais aussi aidé les familles à stabiliser leur situation en leur trouvant un logement.
Des dons ont été réunis pour subvenir aux besoins extrascolaires des enfants, dont un abonnement de bus et une assurance-­maladie (150 francs par mois et par enfant).

Alphabétiser avant tout

Un projet pilote avait alors été lancé pour une période d’essai de quatre mois. La ville avait accepté de scolariser la plus jeune dans une classe de première primaire et d’ouvrir une classe spéciale pour les plus grands. «Certains n’ayant jamais mis les pieds à l’école, il s’agissait avant tout d’alphabétisation», explique Philippe Martinet, chef du service des écoles de Lausanne.

Les autorités, comme les associations, en tirent un bilan positif. «Comme le niveau des enfants était très bas, les progrès scolaires n’ont bien sûr pas été spectaculaires, mais c’est un début encourageant. Les élèves ont été extrêmement assidus et consciencieux», se réjouit le chef de service.

Depuis la rentrée d’août, deux enfants sont à plein temps en classe d’accueil et développement, trois autres bénéficient d’un enseignement mixte (en classe d’accueil et individualisé), et la dernière poursuit une scolarité ordinaire en deuxième primaire.
Les familles ont été choisies par les associations selon plusieurs critères. Toutes devaient venir à Lausanne régulièrement depuis trois ou quatre ans, ne pas avoir de projet en Roumanie et démontrer une véritable motivation. La ville a exigé pour sa part que les enfants concernés bénéficient d’un logement et qu’un dialogue avec les parents soit rendu possible. Des interprètes communautaires ont été mis à disposition par les associations. Pour des parents souvent analphabètes, le suivi scolaire reste néanmoins un véritable défi.

Réseau de solidarité

Scolariser des enfants de familles qui vivent dans la rue, dorment dans des squats ou dans des hébergements d’urgence, n’aurait pas été possible sans le réseau de solidarité qui s’est tissé autour des familles. Et l’expérience est encore loin d’être pérenne. Les enfants sont hébergés parfois avec leur famille dans un appartement prêté, parfois seuls chez des particuliers.

Pour assurer les frais extrascolaires, Sant’Egidio est toujours en recherche de fonds. «Nous ne sommes de loin pas sûrs de tenir jusqu’au début 2015», s’inquiète Anne-Catherine Reymond.

«Il n’y a pas de projet de la ville pour leurs familles, que ce soit le logement ou l’accès au marché du travail», regrette pour sa part Véra Tchérémissinoff, d’Opre Rrom. Les associations viennent de déposer une demande de prise en charge des frais de transports et d’assurance-maladie au Bureau lausannois de l’intégration. Une décision sera prise d’ici à la mi-septembre.

Le dispositif scolaire lausannois aurait les capacités d’accueillir des élèves supplémentaires dans les mêmes conditions. D’autres familles mendiantes ont interpellé les associations pour la scolarisation de leurs enfants. Mais sans participation financière de la ville pour les frais annexes, celles-ci n’ont pas les moyens d’élargir le projet. Philippe Martinet reconnaît que l’expérience n’est pas possible sans «l’engagement extraordinaire» des associations. I

> Une série de portraits présente les élèves surwww.santegidio.ch/category/roms/

“A Lausanne, six enfants des rues font aussi leur rentrée scolaire” (Le Courrier, 30.08.2014)