Personnes âgées et aide au suicide

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L’hebdomadaire “Le Matin Dimanche” publie un dossier sur l’aide au suicide en Suisse et de son usage par les personnes âgées.

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Ci-dessous, l’intéressante réflexion d’Ariane Dayer, rédactrice en chef:

L’édito

“Vieillir ou partir”

On peut choisir de mourir. Mais pourquoi le fait-on? Vertigineuse, la question trouve aujourd’hui une nouvelle actualité. En Suisse, la justice est désormais saisie de cas de contestation d’aide au suicide par les proches du malade. De quoi attirer l’attention du public sur un point qui restait encore théorique il y a deux ans: en 2014, l’association Exit a modifié ses critères. Elle n’intervient plus seulement lors de maladie incurable ou d’invalidité grave mais aussi en situation de «polypathologies invalidantes liées à l’âge». Reste à savoir ce que cela recouvre.

 Car enfin qu’est-ce d’autre, vieillir, que d’être saisi par des «polypathologies invalidantes»? Un mélange de douleurs, handicaps, empêchements mécaniques de toutes sortes, souvent combinés avec la tristesse, l’angoisse, l’isolement et la perte de sens. Les maux physiques dansent un tango syncopé avec les douleurs psychiques et personne ne peut dire qui mène réellement le bal. Lorsque le blues submerge, la polypathologie peut donc être facilement évoquée pour recourir à Exit.
Est-ce vraiment ce que nous voulons? Dans un pays où 10 à 30% des personnes âgées souffrent de dépression, la prudence n’est-elle pas de mise? Plus encore, même si le projet était celui-ci, laisser mourir plus facilement les seniors qui en ont assez, ne faut-il pas l’avoir décidé ensemble après un vrai débat national?

Laisser une association, aussi louable soit-elle, trancher elle-même un tel choix de société tient de la lâcheté. Cela revient à s’économiser l’examen d’une question gênante: pourquoi tant de personnes âgées se retrouvent-elles dans la souffrance morale et la solitude pour leurs dernières années de vie. Comment les accompagner davantage, leur tenir chaud.
Au fil des années, on a bien compris que la Suisse ne veut pas émettre de loi précise sur l’assistance au suicide. Elle a raison puisque cela offre une porte de sortie aux grands malades, une alternative à l’horreur. Mais elle ne pourra pas s’épargner le débat particulier sur les seniors. Leur laisser le choix de sortir du jeu par lassitude reviendra, un jour, à les encourager à le faire. Indigne.

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ariane.dayer@lematindimanche.ch