La France met en place des “couloirs humanitaires” pour accueillir des réfugiés vulnérables

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Article paru sur www.cath.ch (14.03.2017)

Solidarité citoyenne et œcuménique avec les migrants et les réfugiés vulnérables
Solidarité citoyenne et œcuménique avec les migrants et les réfugiés vulnérables (Photo: UNHCR Achilleas Zavallis)

La France met en place des “couloirs humanitaires” pour accueillir des réfugiés vulnérables

14.03.2017 par Jacques Berset, cath.ch
 

La France met en place des “couloirs humanitaires” pour un accueil des réfugiés les plus vulnérables. Un protocole d’accord pour la mise en œuvre du projet intitulé “Opération d’accueil solidaire de réfugiés en provenance du Liban (couloirs humanitaires)” a été signé le  14 mars 2017 à l’Elysée à Paris. Il s’agit d’offrir une alternative aux “voyages de la mort” en Méditerranée.

Ce protocole prévoit les conditions d’identification, d’accueil, d’intégration et d’inclusion en France de 500 réfugiés syriens et irakiens actuellement au Liban, dans les 18 mois après la signature du protocole. La priorité est accordée aux personnes les plus vulnérables (familles avec enfants, femmes seules, personnes âgées, malades, personnes porteuses de handicap, victimes de persécutions, de tortures ou de violences).

Démarche citoyenne et œcuménique

Ces 500 réfugiés, comme les 700 autres déjà arrivés en Italie dans le cadre du projet-pilote des Corridoi umanitari, voyageront en avion et non sur des embarcations en mer, sans risquer leur vie et en passant les contrôles au départ. Ils seront accueillis sur le territoire français par les cinq organisations promotrices du projet: Communauté de Sant’Egidio, à l’origine des “couloirs humanitaires”, Fédération protestante de France, Conférence épiscopale française, Fédération de l’Entraide Protestante et Secours Catholique-Caritas France.

Le document a été paraphé d’un côté par le ministère de l’Intérieur et le ministère des Affaires étrangères, et de l’autre par les cinq organisations qui se sont engagées dans ce projet.

Signature en présence du président François Hollande

Le président de la République, François Hollande, le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, étaient présents à la séance de signature, en compagnie de la présidente de la Communauté de Sant’Egidio-France, Valérie Régnier, du président de la Fédération protestante de France, François Clavairoly, du président de la Fédération de l’Entraide protestante, Jean-Michel Hitter, du vice-président de la Conférence des évêques de France, Mgr Pascal Delannoy, et de la présidente du Secours catholique-Caritas France, Véronique Fayet. Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, avait fait le déplacement de Paris.

La mise en place du projet des “couloirs humanitaires” en France est due à l’initiative de la Communauté de Sant’Egidio, dans le cadre d’une alliance œcuménique.

La Communauté de Sant’Egidio à la manœuvre

Les initiateurs de ce projet sont tous déjà fortement mobilisés dans l’accueil des réfugiés et leur intégration sociale. Ils sont déterminés à promouvoir une protection et une alternative à l’exploitation criminelle des personnes vulnérables par des trafiquants indifférents aux naufrages en mer qu’ils provoquent. Le projet est totalement autofinancé. Les promoteurs du projet mobilisent leurs réseaux de solidarité (bénévoles, donateurs) et veulent porter ce projet innovant en matière de fraternité dans l’accueil par la société civile.

 
France Des “couloirs humanitaires” pour accueillir des réfugiés vulnérables
France Des “couloirs humanitaires” pour accueillir des réfugiés vulnérables (Photo: © Xavier Schwebel/Secours Catholique-Caritas France)

C’est dans le contexte dramatique des “voyages de la mort” conduisant des milliers de réfugiés à perdre la vie en Méditerranée et en démonstration d’une alternative possible, sûre et soutenable que catholiques et protestants italiens, à l’initiative de la Communauté de Sant’Egidio, ont proposé et lancé le 15 décembre 2015 le projet pilote des “couloirs humanitaires”.

Sur la base d’un protocole signé avec les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères italiens, ce projet a déjà conduit en Italie environ 700 migrants fuyant la Syrie, et quelques-uns l’Irak, auxquels ont été garantis une voie d’accès sûre en Europe (par avion) en même temps qu’un programme d’intégration. Ces familles étaient réfugiées au Liban.

Un projet innovant pour l’Europe

2016 a connu le plus grand nombre de morts en mer Méditerranée, avec plus de 5’000 victimes. Force est de constater que le vœu du Conseil européen “que plus personne ne meure en mer” (réunion extraordinaire du 23 avril 2015) n’a pas été réalisé, constatent les initiateurs du projet.

Le projet de couloirs humanitaires est une initiative citoyenne, œcuménique et européenne qui entend contribuer à l’agenda européen en matière de migrations. Il est une mise en pratique concrète et reproductible de ce que la Commission européenne appelait de ses vœux le 13 mai 2015 en déclarant que “les États membres devraient utiliser toutes les autres possibilités légales qui s’offrent aux personnes nécessitant une protection, y compris les parrainages privés / non gouvernementaux et les titres de séjour pour raisons humanitaires ainsi que les dispositions relatives au regroupement familial”.

L’Italie a initié le projet des Corridoi umanitari porté par la Communauté de Sant’Egidio, avec la Fédération italienne des Eglises évangéliques et la Table vaudoise. Un protocole a été signé le 15 décembre 2015 avec les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères italiens.

Passeurs et trafiquants d’êtres humains

C’est un projet-pilote, le premier en son genre en Europe, avec comme objectifs principaux d’éviter les voyages des réfugiés sur les embarcations de la mort en mer Méditerranée et de lutter contre le commerce mortel des passeurs et des trafiquants d’êtres humains. Il veut accorder à des personnes en “condition de vulnérabilité” une entrée légale sur le territoire français dans le cadre d’une admission pour motif humanitaire. La délivrance des visas prévoit les contrôles nécessaires de la part des autorités françaises, pour des raisons de sécurité.

Les organisations qui ont proposé le projet à l’Etat français s’engagent à fournir  un hébergement et un accueil pendant la durée qui convient, un soutien économique pour le transfert en France (projet autofinancé), un accompagnement administratif aux personnes, un accompagnement au processus d’intégration en France.

Les chrétiens et la société civile s’engagent

Une fois arrivées en France, les personnes sont accueillies par les promoteurs du projet et, en collaboration avec d’autres partenaires, sont logées dans différentes maisons et structures d’accueil réparties sur tout le territoire national. Là, il leur est offert une intégration dans le tissu social et culturel français, à travers l’apprentissage de la langue française, la scolarisation des mineurs, l’accès aux professionnels de santé le cas échéant et d’autres initiatives. L’action humanitaire s’adresse à toutes les personnes en condition de vulnérabilité, indépendamment de leur appartenance religieuse ou ethnique.

L’octroi rapide du statut de réfugié et l’engagement citoyen et œcuménique fort, aux côtés des professionnels, du début à la fin du processus, sont les deux dimensions importantes et innovantes de ce projet pilote cherchant à favoriser l’identification et l’intégration rapide de réfugiés vulnérables ainsi qu’une large sensibilisation en matière de fraternité dans l’accueil par la société civile. Les couloirs humanitaires se proposent comme un modèle reproductible par les Etats de la zone Schengen. D’autres initiatives œcuméniques sont d’ailleurs en cours dans plusieurs pays. C’est un bon exemple de ce que l’Europe peut faire pour aider les migrants et affronter les flux actuels de réfugiés.