Un village près de Nîmes héberge une famille syrienne

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“Couloirs humanitaires : pour l’accueil des réfugiés, l’union fait la force” (Paru dans “La Vie” le 04.10.2017)

17 août 2017 : Tous les jours, deux membres de l’association se relaient pour l’enseignement du français. Combas (30), France. photo: Corinne Simon

À partir de ce mois d’octobre, une trentaine de réfugiés doivent arriver en France chaque mois dans le cadre du projet œcuménique des couloirs humanitaires où ils seront accompagnés en priorité par des collectifs de citoyens. Reportage à Combas, village de 600 âmes, aux abords de Nîmes, où une cinquantaine d’habitants accueillent une famille irakienne depuis début juillet. Comment ont-ils réussi ce pari ?

Les matins d’été, quand le thermomètre annonce 37°, on préfère généralement traîner au lit. En plein mois d’août, Michel Debouverie, 63 ans, jeune retraité, est debout depuis 7 heures. Ce matin, il a une mission à accomplir : accompagner une famille irakienne à la préfecture de Nîmes pour qu’elle prolonge ses titres de séjour. « Nous devons arriver à 8h45 pour éviter de patienter des heures dans la file d’attente, indique-t-il. Une petite erreur s’est glissée dans les papiers et nous avons appris hier que nous devions venir ce jeudi matin sans rendez-vous. » À l’intérieur de la préfecture, l’atmosphère austère ne baisse pas le moral des troupes. « Quand ce sont nos numéros de passage qui s’affichent sur le panneau lumineux, tu cours au guichet », pointe-t-il sur le ton de la rigolade à Rafi, 29 ans, né à 20 kilomètres de Mossoul en Irak. Une heure après, le stress peut retomber : leur titre de séjour est prolongé jusqu’au 26 mai 2018.

C’est une victoire supplémentaire pour le collectif de citoyens, composé de 50 habitants de Combas, à une vingtaine de kilomètres de Nîmes, dans le Gard, qui accueille depuis le 6 juillet Rasha et Rafi, un couple de syriaques catholiques qui a fuit l’Irak avec leur fille Perla, âgée de 18 mois, dans le cadre des couloirs humanitaires. Ces corridors aériens, à l’initiative de cinq structures chrétiennes (la communauté de Sant’Egidio, la Fédération protestante de France, la Fédération de l’entraide protestante, la Conférence des évêques de France et le Secours catholique), qui ont pour but d’éviter aux réfugiés la mer et ses dangers en allant les chercher au sein même des camps où ils résident provisoirement – ici, le Liban – et de les accompagner jusqu’à leur intégration en France. 

17 août 2017 : Michel, membre de l’association Accueil Citoyen de Réfugiés à Combas (ACRC) accompagne la famille MIKHO à la préfecture de Nîmes. Nîmes (30), France. © Corinne Simon pour La Vie

Une poignée d’amis se mobilise

Mi-août, à Combas, si la fatigue se lit sur les visages des bénévoles, transparaissent surtout la fierté et la joie d’avoir réussi à concevoir une organisation qui tient la route. À regarder la petite Perla, habillée tout de rose, vagabonder de ça et là, sourire et passer, au sein du collectif de citoyens, de bras en bras, on se dit aussi que l’intégration de cette famille est en bonne voie. Alors, comment fait-on pour s’organiser à cinquante et accomplir une telle mission ?

Au sein de ce village de 600 habitants où Marine Le Pen, candidate Front national, a recueilli plus de 46% des voix au deuxième tour de l’élection présidentielle en 2017, tout a commencé par une poignée d’amis. « Il y a trois ans, alors qu’arrivaient les premières vagues de réfugiés syriens, Isabelle Yard-Thimel (l’actuelle présidente du collectif, nldr), mon amie depuis vingt ans, touchée par ces actualités, m’a lancée : “Si on se mettait à dix, on pourrait accueillir une famille” », relate Veronique Debouverie, 56 ans, l’une des cofondatrices. 

S’occuper de l’accompagnement est une responsabilité lourde et une mission très chronophage pour une personne seule. 

L’idée tombe à l’eau. Elle revient sur la table au cours de l’année 2016 lorsque le groupe apprend l’existence des couloirs humanitaires, via la Fédération d’entraide protestante (Fep). Un projet qui préconise que les réfugiés soient accompagnés par des collectifs de citoyens, soutenus par des professionnels : « S’occuper de l’accompagnement est une responsabilité lourde et une mission très chronophage pour une personne seule. De nombreuses démarches sont à entreprendre : dossier de demande d’asile, ouverture des droits à la couverture maladie, inscription à l’école, etc. », justifie Juliette Delaplace, chargée de projets accueil et droits des étrangers au Secours catholique. « Il est plus facile, de plus, pour ces Syriens et Irakiens, qui cherchent à s’intégrer en France, de connaître du monde dès leur arrivée, pour tisser des liens sociaux, et à terme, trouver du travail », complète Vincent Picard, membre de la communauté de Sant’Egidio. À Combas, ces recommandations ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd. 

Leur première mission ? La constitution d’un collectif. En janvier 2017, ils en parlent autour d’eux, puis organisent une première réunion. Pour élargir encore le cercle de bénévoles, ils envoient des tracts dans les boites aux lettres de l’ensemble des villageois. « Nous avons reçu un petit mot sur lequel on apprenait la création d’une association en vue d’accueillir une famille, qui nous indiquait que nous pouvions apporter une aide matérielle ou humaine », témoigne Anne Morin, une villageoise, qui, à la suite de cet appel, a rejoint l’aventure.

Véronique, Huguette, Fatima et les autres

Au fil des semaines, le collectif s’agrandit. Au village, ses membres craignent que le terme de réfugié puisse effrayer certains. Dès la deuxième réunion, le maire est invité. « Pour crédibiliser notre projet, nous avons mis en avant sa dimension chrétienne,  se rappelle Véronique, qui fréquente la communauté charismatique du Chemin neuf. D’emblée, le maire nous a répondu qu’il souhaitait que ce projet constitue une initiative citoyenne sans étiquette religieuse. » Ceci explique le nom l’association : Accueil citoyen de réfugiés à Combas (ACRC). 

Dans ce même but, ils ont pu compter sur l’appui de Jacquy, figure du village, qui habite Combas depuis 72 ans, son âge : « Avec Huguette, ma femme, nous avions un appartement de 40 mètres carrés qui se libérait. Nous ne sommes pas fortunés mais c’était pour nous un plaisir de prêter pendant un an ce logement aux nouveaux arrivants. » Assiettes, four, serviettes, draps… L’hébergement trouvé, reste à la charge du collectif de le meubler. Très vite, une collecte d’objets est organisée. L’une des forces du collectif, c’est son organisation. Les uns sont en charge des cours de français, qui ont lieu du lundi au vendredi à 16h30, les autres des tâches administratives, d’emmener en voiture la famille au supermarché ou découvrir la région, etc.

Nous avons aussi essayé de ne pas anticiper leurs besoins matériels pour qu’ils se sentent respectés.

En plus du soutien de Jacquy, ils ont pu compter sur Fatima pour que la famille se sente au mieux. Cette villageoise, née au Maroc, qui habite à proximité du nouvel l’appartement de Rafi, Rasha et Perla, a été d’une grande aide pour les traductions en arabe. Attentif à la famille, le collectif a aussi pris soin d’effectuer un accueil en douceur. Lorsque l’on débarque du Liban, et que l’on se retrouve à Combas, où cinquante personnes sont à nos côtés pour nous aider, il y a de quoi être surpris… Le jour de leur arrivée, un barbecue est organisé au sein d’un jardin collectif avec une dizaine de membres. Ce n’est que le 16 juillet que la famille a rencontré l’ensemble des bénévoles lors d’une fête. 

« Nous avons aussi essayé de ne pas anticiper leurs besoins matériels pour qu’ils se sentent respectés. Si tout est déjà programmé à l’avance, ils peuvent se sentir dépossédés de leur parcours de vie », souligne Véronique, qui les a invité à déjeuner à son domicile cette journée d’août. À 16 heures, ils n’étaient pas pressés de quitter les lieux. « Les associations nous ont mis en garde de ne pas nous attacher. Ce n’est pas évident bien que la barrière de la langue reste présente » , reconnaît-elle. D’ici 2018, 500 réfugiés, à l’image de Rafi, Rasha et Perla, doivent être accueillis dans le cadre des couloirs humanitaires.