Marco Impagliazzo évoque la solidarité avec les personnes âgées dans Avvenire

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“Au-delà d’une saison aride et repoussante

Il y a quelques jours, le pape François twittait : « J’exprime ma proximité à toutes ces personnes âgées qui vivent comme cachées, dans l’oubli, délaissées. Je remercie ceux qui œuvrent à la construction d’une société plus inclusive, qui ne met pas au banc celui qui est faible de corps ou d’esprit ».

Ce n’est pas la première fois que le pape attire l’attention sur le « continent des personnes âgées » au sein duquel il n’est pas rare de se débattre au milieu des difficultés et des problèmes, déterminés souvent par la culture du rebut. François intervenait à l’occasion de la Journée mondiale de l’OMS « contre les abus à l’encontre des personnes âgées », qui concerneraient, selon les études de l’agence internationale, une personnes sur six. Une triste donnée. Mais s’il y a bien un abus qui est le plus commun et le plus dur de tous, c’est l’isolement, l’exclusion. Et s’il y a bien une saison où la solitude fait le plus mal, c’est l’été.

Dans notre Europe des cheveux gris, qui n’a pas encore tiré toutes les conséquences du phénomène de l’allongement de la durée de la vie, les personnes âgées sont perçues comme des « vies à mettre au rebut » dont parlait Bauman. Elles souffrent du fait que la proximité des autres se fait moins présente, tandis que l’institutionnalisation – qui regarde un nombre croissant de personnes – sépare violemment d’un vécu qui jusqu’alors avait été varié et autonome.

Dans la « culture du rebut » se concrétise l’idée que quelqu’un doit être isolé parce qu’il est faible et donc nécessairement dépendant des autres. Et pourtant il est écrit dans la nature de l’être humain que seuls on ne vit pas, on meurt ! La vie est interdépendance et solidarité. L’existence – telle est l’expérience commune – est devenue plus individuelle, le tissu de connexions s’est effiloché. L’esprit du temps est que l’on se sauve seuls.
Malheureusement, qui ne voudrait pas vivre cette solitude et voudrait au contraire bénéficier de réseaux solidaires et communautaires, est condamné à l’exclusion et à l’isolement. D’autant plus ces jours-ci.

Face à la chaleur que nous sentons et à celle qui s’annonce, nous faisons nôtre l’appel du pape. Engageons-nous vraiment pour une société plus inclusive, qui n’écarte personne, qui ne laisse pas seules notre voisine âgée de l’étage du dessous ou du dessus, la dame qui emprunte péniblement le même chemin que nous. Une visite peut sauver la vie, un simple appel peut protéger plus que nous ne l’imaginons. La vie peut devenir réseau et le réseau peut préserver la vie. Il y a besoin d’une culture qui n’écarte personne, mais qui inclue et valorise tous.

L’heure est arrivée de reconstruire autour des personnes âgées un réseau de rapports, de proximité, de volontariat, d’engagement pour le bien commun, qui garantisse la vie de ceux qui sont avancés en âge. Mais en fin de compte aussi de nous-mêmes, de tous. Le pape a également insisté sur la « réconciliation » entre générations diverses : les jeunes et les adultes ont besoin des aînés et vice-versa.

Une telle rencontre fait découvrir aux plus jeunes que la longévité est l’un des meilleurs fruits de notre temps, et aux personnes âgées qu’elles ont encore beaucoup à faire en termes de choix, d’amitié, de sagesse. Les personnes âgées continuent d’espérer, si elles sont soutenues par les jeunes et les adultes. L’espérance n’abandonne pas les jeunes ni les adultes s’ils savent qu’au terme de leur propre parcours ne se rouve pas le ravin mais
l’accompagnement.

Au début de son pontificat, en rencontrant les personnes âgées, le pape François avait dit : « cela fait tant de bien d’aller voir une personnes âgée ! Regardez nos jeunes : parfois nous les voyons tristes, ils semblent n’avoir de goût à rien ; ils vont trouver une personnes âgée et les voilà joyeux ! ». Et de conclure avec les paroles qu’il a repris cinq ans plus tard dans un tweet : « Nous  chrétiens, avec tous les hommes de bonne volonté, nous sommes appelés à construire avec patience une société différente, plus accueillante, plus humaine, plus inclusive, qui n’a pas besoin d’écarter qui est faible physiquement ou mentalement ». Tel est le travail patient et tenace à poursuivre au cours des prochaines et torrides journées d’été, un engagement de partage, de proximité, qui change de l’intérieur une saison trop aride et repoussante.”

Article de Marco Impagliazzo paru dans l’Avvenire du 28 juin 2019