La situation très difficile de Mindra et Bogdan, un couple d’amis roms vivant par nécessité entre Lausanne et plusieurs autres lieux, a inspiré ces lignes à l’une d’entre nous.

C’est étrange quand même ! Nous, à S. Egidio, quand on entend les paroles d’Isaïe de ce dimanche 9 février 2020 , on se souvient de notre vocation première, celle liée à la légende de S. Egidio :  refermer nos bras sur la biche menacée par les chasseurs, quitte à recevoir la flèche au dos de la main.

Isaïe, sublimement inspiré, se lance dans une définition épique du jeûne véritable, celui qui a toutes les faveurs de Yavhé-Adonaï : « partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri… (Is. 58, 7a) Et il promet : « Alors ta lumière jaillira comme l’aube, (…) et la gloire de Yavhé-Adonaï te suivra… (Is 58, 8) ».

Des ailes nous poussent ! On a envie de s’envoler au secours de tous les damnés de la terre, ceux que personne ne veut nulle part, ceux qui, harassés de fuir toujours, tombent au bord de la route.

Mais, en fait, non. Un couple de Roms passe l’hiver à errer dans nos régions, parce que c’est mieux, malgré tout, que de geler chez eux, en Transsylvanie roumaine, dans leur embryon de maison glacée.

Et ils ont une adorable petite chienne.

Et elle n’est pas admise dans les hébergements pour personne sans-abri.

Ils ont trop froid pour dormir dehors. Mais… laisser le petit animal, seul, pour la nuit, devant la porte du refuge ?  Impensable.

Alors une « Sant’Egidio » s’est dit : «  Et si je leur proposais de prendre la chienne chez moi ? Eux, je ne peux pas, mais elle ? » Ils ont tout de suite dit oui, leurs visages soudain détendus de soulagement. Ainsi, eux, ils sont dehors dans le froid, la journée , dorment où ils peuvent,  la nuit. Elle, elle dort en boule sur son coussin, pousse parfois quelques gémissements plaintifs , questionnement peut-être, à peine audible, et à jamais mystérieux pour nous, d’un destin qu’elle ne comprend pas, qui a toutes les couleurs de l’abandon, mais qui, tout compte fait, se révèle assez  confortable.

Et elle donne, depuis lors, des bouffées de joie régulières aux résidents d’un EMS, qui plongent avec délice leurs mains usées  dans son poil doux et soyeux… Elle ? Elle ne demande que ça !

C’est étrange, quand même.

Texte rédigé par Aline, bénévole de S. Egidio