“Il est temps de mener une réflexion sur notre politique internationale” (Andrea Riccardi)

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Article paru dans Famiglia Cristiana, le 29 août 2021.

La présence de nos missions militaires à l’étranger doit s’accompagner d’une action diplomatique plus résolue, liée à une coopération.

Lorsque nous avons écrit la semaine dernière au sujet de l’Afghanistan, nous ne pensions pas que les talibans arriveraient si vite à Kaboul. Personne n’y croyait. Mais c’est arrivé. L’État afghan, les institutions, la politique, l’armée se sont liquéfiés devant les “étudiants coraniques”.

Chaque jour, nous assistons à des scènes impressionnantes à l’aéroport de Kaboul : la concentration de personnes désespérées, prêtes à tout pour quitter le pays. Avec elles, la fuite des Occidentaux. Nous avons entendu la voix des femmes afghanes, des militants des droits de l’homme, des journalistes habitués à la liberté et de nombreux autres citoyens : ils ont dit qu’ils se sentaient trahis, après avoir espéré avec l’Occident construire un nouvel Afghanistan.

A quoi ont servi ces vingt années ? C’est une question brûlante pour ceux qui ont perdu, comme certaines familles italiennes, leurs proches sur cette terre, des personnes qui étaient souvent – comme l’a déclaré le père d’un homme tombé au combat – enthousiastes quant à leur mission. Ces jours marquent la fin d’une saison qui a commencé en 2001 avec la guerre en Afghanistan : il s’agissait non seulement d’une réponse à l’attaque tragique du 11 septembre, mais aussi de l’idée d’une croisade pour implanter la démocratie.

Puis vint la guerre en Irak, un autre échec… Vingt ans, le début du XXIe siècle, au cours duquel les gens ont cru en la guerre comme moyen de rendre le monde plus juste, mais aussi d’éprouver leurs armes et leur force. Mais – comme l’enseigne le pape François – “toute guerre laisse le monde pire qu’il ne l’a trouvé”. C’est l’expérience de l’Histoire. Entre-temps, les États-Unis ont perdu leur prestige dans le monde et ils perdent du poids en Asie. Le jeu autour de l’Afghanistan est passé entre d’autres mains : la Chine, le Pakistan, la Turquie, l’Iran et la Russie. Peut-être devons-nous commencer à tirer des leçons de cette histoire.

Le risque est que la réaction de l’opinion publique européenne, effrayée par la révélation de sa faiblesse et l’arrivée des réfugiés afghans, soit encline à une politique de fermeture, de confiance en quelques hommes qui feront la grosse voix et rassureront ceux qui sont effrayés. Ce n’est pas une politique forte : c’est le choix de la faiblesse. Nous devons faire notre part et croire en nos valeurs. La fermeture de l’Afghanistan, le sort des femmes et des jeunes filles de ce pays et le totalitarisme des talibans nous encouragent de plus en plus à faire confiance à la liberté et à la démocratie.

Même des pays de taille moyenne comme l’Italie peuvent faire beaucoup. Cela se traduit par notre présence militaire, demandée dans de nombreuses opérations, qui doit toutefois être accompagnée d’une politique active. Quelle politique poursuivons-nous en Irak, où sont nos soldats ? Et au Liban, même si nous y avons une présence importante ? Le fait que l’Italie n’ait pas pu faire de politique en Afghanistan, pays lointain et étranger à notre histoire, est illustré par le fait que notre ambassadeur à Kaboul a quitté le pays, tandis que le consul reste pour coordonner les évacuations. D’autres pays, au contraire, ont toujours leur ambassadeur présent sur place. L’Italie a une responsabilité directe dans les Balkans, en Méditerranée et dans certaines régions d’Afrique. Cela nécessite une réflexion stratégique, dans laquelle la présence militaire s’accompagne de politique, de coopération et de culture.

Le moment est venu de mener une réflexion critique sur une politique consistant à trop suivre la vague, et pas assez en tant qu’alliés mûrs et responsables, et sur l’aide humanitaire aux réfugiés afghans. Si nous ne voulons pas que notre civilisation soit submergée, nous avons la responsabilité de nous accrocher à notre sens de l’humain, mais aussi de construire une politique internationale capable de nous projeter dans le monde auquel nous sommes liés par l’histoire et la géographie.

Editorial d’Andrea Riccardi paru dans Famiglia Cristiana du 29/8/2021

[traduction de la rédaction]

Source: Il est temps de mener une réflexion sur notre politique internationale. Editorial d’Andrea Riccardi