Les perspectives d’avenir des jeunes Roms scolarisés

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Lausanne

Paru dans “24 heures” (6 septembre 2014)

Les perspectives d’avenir des jeunes Roms scolarisés

SAMEDI 6 SEPTEMBRE 2014
Gabriel Sassoon

Le programme d’enseignement d’enfants roms se poursuit

C’est aussi la rentrée pour Rusalim, Angel, Larisa, Daniel et les deux Nicolae. Lancé au printemps dernier par la Ville de Lausanne, sous l’impulsion des associations Opre Rom, Sant’Egidio et Point d’Appui, le projet pilote de scolarisation d’enfants roms reprend, comme l’a récemment annoncéLa Liberté. Il s’étoffe même d’un nouveau participant. Ils sont désormais six en tout à fréquenter les bancs d’école de la capitale vaudoise.

Pendant quatre mois, de mars à juin, quatre d’entre eux avaient suivi des cours d’alphabétisation au Centre de ressources pour élèves allophones (CREAL), tandis qu’une fillette avait directement intégré une classe primaire. Si la progression a été modeste pour certains, les autorités ont salué leur engagement et leur motivation. «Ils ont été tout à fait assidus et se sont donné une peine folle», rapporte Philippe Martinet, chef du Service des écoles primaires et secondaires.

 Fort de ce bilan positif, Oscar Tosato, municipal de l’Enfance, s’était déclaré prêt à renouveler le projet. Restait une inconnue: les écoliers souhaiteraient-ils retourner à l’école, à supposer qu’ils se trouvent en Suisse à la rentrée? Tous ont répondu présent. «Ces jeunes et leurs parents ont unanimement apprécié l’expérience, affirme Christophe Blanchet, doyen des classes d’accueil. Ils ont décidé de mettre l’accent sur une certaine stabilité dans leur vie et se projettent désormais dans l’avenir. C’est une condition essentielle pour que le projet marche. »

Logement nécessaire

Exigence supplémentaire de la Ville: que les enfants aient un logement, afin qu’ils puissent suivre les cours dans de bonnes conditions. «Nous avons trouvé un toit pour chacun chez des particuliers, indique Véra Tchérémissinoff, présidente d’Opre Rom. Mais c’est du provisoire, nous cherchons toujours des solutions. » Quatre jeunes Roms avaient notamment été hébergés dans une villa à Pully le printemps dernier.

Fin août, la plus jeune est donc passée en 2e primaire; deux de ses camarades ont intégré des classes d’accueil. Quant aux trois autres, ils partageront dès lundi leur temps entre les classes d’accueil standards et un enseignement individualisé, où ils apprendront à lire, à écrire et les rudiments du calcul. «Il était illusoire de les intégrer complètement en classe d’accueil, explique Christophe Blanchet. L’un d’entre eux a de très importantes difficultés d’apprentissage en lecture alors qu’un autre a des difficultés de concentration. Le troisième n’est jamais allé à l’école. »

Quoi qu’il en soit, les jeunes Roms sont désormais plein de projets. «Ils rêvent d’être mécanicien, avocat ou policier, relate Véra Tchérémissinoff. C’est la première fois qu’ils ont des envies, qu’ils peuvent imaginer qu’ils auront un rôle social. » Quelles ambitions peuvent-ils nourrir? «Pour les deux plus jeunes, qui ont 5 et 12 ans, il est réaliste d’imaginer qu’ils intègrent à terme un cursus normal, affirme Christophe Blanchet. Pour les plus âgés, qui ont 15 et 16 ans, l’objectif est qu’ils aient le niveau suffisant pour suivre une formation AFP (Attestation fédérale de formation professionnelle), c’est-à-dire au moins le niveau d’enfants de 12 ans. »

Le projet sera réévalué à la fin du mois de décembre, notamment pour vérifier que les conditions de logement sont toujours assurées. «Nous nous interrogerons aussi de savoir s’il est toujours pertinent de scolariser ces enfants avec ce dispositif», dit Christophe Blanchet.

Pas de coûts en plus pour la Ville

Le financement du projet de scolarisation inquiète des conseillers communaux lausannois. «Quel est le coût du programme?» ont demandé Henri Klunge (PLR) en février, puis Jean-Luc Laurent cet été. La Municipalité a rappelé à ce dernier que les charges relatives à l’enseignement relèvent du Canton. «Il n’y a donc pas de frais en plus pour la Ville, puisque les enfants ont intégré des structures existantes», précise Philippe Martinet.

L’Association Sant’Egidio finance, pour sa part, les frais d’assurance et le matériel scolaire, soit 150 à 180 fr. par mois et par élève. Mais les dons obtenus ne permettront pas de tenir au-delà de décembre. L’organisation recherche activement de nouveaux soutiens. Ces difficultés de financement, de logement et l’engagement constant qu’exige le projet auprès des familles forcent l’association «à pondérer l’enthousiasme de beaucoup d’enfants souhaitant participer, regrette Anne-Catherine Reymond, de Sant’Egidio. Le succès de l’expérience dépend aussi du petit nombre de participants. »

“Les perspectives d’avenir des jeunes Roms scolarisés”  (24 heures, 06.09.2014)